«Dossier électronique de santé: remettre la santé au cœur du système de santé»
Losanna, 25.11.2025 — Discorso della consigliera federale Elisabeth Baume-Schneider in occasione del Forum Santé a Losanna. Fa stato la versione orale (in francese).
«Soigner ne suffit plus - Remettre la santé au cœur du système santé» est une formule déconcertante, réaliste et prometteuse à la fois. Elle laisse entrevoir un système de santé corrélé de manière presque obsessionnelle à la maîtrise des coûts, à la fascination des nouveaux traitements, à la pénurie de personnel, à la difficulté de piloter le système. Je constate que parmi les nombreuses interventions parlementaires sur le thème de la santé, effectivement, le thème de la promotion de la santé ne s’impose pas, ni d’ailleurs la relation soignant-soigné. Ancrer la santé au cœur du système remet la dimension humaine, le sens et l’éthique au cœur du système. Certes, il faut parler qualité, sécurité et efficience, mais il faut aussi parler de la dimension humaine de notre relation à la santé et à la maladie.
Donner plus d’espace à la promotion de la santé, plutôt que de se focaliser sur la prise en charge des maladies, cette approche peut être poursuivie de différentes manières. Les pistes suggérées dans le sondage que vous avez réalisé en amont de ce Forum passeraient, par exemple, par la création d’un article constitutionnel sur la santé, qui irait au-delà de ce que notre Constitution définit. Il s’agirait d’un «droit à la santé», tel qu’il existe dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Une autre piste, peut-être complémentaire, qui a reçu un accueil favorable dans votre sondage serait la création d’une loi sur la santé. Pourquoi avons-nous une loi sur l’assurance-maladie, et pas une loi sur la santé? C’est une question qui a toute sa pertinence.
Au-delà de la densité normative des articles constitutionnels et des lois, il importe d’élaborer des textes législatifs dont le contenu précise les possibles en matière de responsabilité collective et individuelle. Ce qui implique de trouver des majorités politiques pour définir ce qui doit être fait pour promouvoir la santé, ce qui relève du rôle de l’Etat et ce qui ressort de la responsabilité individuelle, ce qui doit être financé et par qui. Ces questions, politiquement pour le moins discutées, voire controversées, seront possiblement au centre de vos réflexions.
Je vais pour ma part concentrer mon propos sur une autre voie, qui peut contribuer à «remettre la santé au cœur du système de santé». Je veux parler du Dossier électronique de santé. Le projet adopté il y a trois semaines par le Conseil fédéral porte un nouveau nom, qui marque un nouveau départ par rapport au «Dossier électronique du patient» que nous connaissons. Ce nouveau nom est précisément porteur de sens et d’ambition. L’idée est bel et bien de mettre la personne et sa biographie au centre du Dossier électronique de santé. Un dossier qui doit vous être réellement utile, non seulement quand vous êtes malade ou accidenté, mais en tout temps.
J’ai mené de nombreux échanges avec des homologues et des spécialistes de différents pays pour nourrir nos réflexions sur la manière de donner un nouvel élan, une orientation plus convaincante au Dossier électronique du patient, qui ne parvenait pas à jouer le rôle majeur qui devait être le sien dans le système de santé suisse. Lors d’une visite de travail en Espagne, consacrée en priorité à ce thème, un représentant des organisations de patients m’a donné une appréciation particulièrement éclairante. Le dossier électronique, très largement utilisé en Espagne, permet aux citoyennes et citoyens de «s’approprier leurs données de santé».
Avec un dossier électronique de santé, vous avez vos propres données de santé entre vos mains. Des données qui sont sans cela dispersées dans plusieurs dossiers médicaux, chez votre généraliste, chez la dermatologue, dans l’hôpital où vous avez été opéré il y a cinq ans, sur l’ordonnance que vous avez déposée à la pharmacie, dans votre certificat de vaccination, sur votre carnet de maternité, sans parler du pédiatre qui a suivi vos premières années. vos données sont un peu partout, sauf chez vous!
Très franchement: savez-vous précisément quelles maladies d’enfance vous avez eues? Votre pédiatre n’exerce possiblement plus, mais dans le meilleur des cas, vos parents avaient noté ces informations quelque part. Et ces informations peuvent être très précieuses, par exemple pour une femme qui doit savoir avant une grossesse si elle a déjà eu la rubéole ou la varicelle.
Avantages pour la qualité et la sécurité des soins
Au-delà de la possibilité de disposer de vos données de santé, un dossier électronique présente d’énormes avantages pour la qualité et la sécurité des soins. Il permet aux professionnels de santé de savoir quels traitements ou médicaments vous avez reçus, quels ont été les résultats des radiographies faites il y a quelques années, ou encore, à titre d’exemple, de suivre la courbe de vos valeurs de cholestérol.
S’il est activé, votre dossier électronique de santé peut contribuer à éviter des doublons et à gagner en efficacité dans votre traitement. Son utilité, sa valeur seront particulièrement précieuse si vous souffrez d’une maladie chronique ou si vous faites une chute qui occasionne des douleurs à un genou déjà opéré il y a quelques années, ou encore si, à l’instar de nombreuses personnes âgées, vous souffrez de plusieurs maladies qui demandent une bonne coordination.
A ce stade de la réflexion, vous pensez peut-être: «D’accord, un dossier électronique peut être utile, mais le dossier électronique du patient existe déjà, et on voit que ça ne fonctionne pas vraiment.» Et vous avez raison. Le Dossier électronique du patient existe. Toutefois, force est de constater qu’il n’a pas encore réussi à jouer un rôle probant dans notre système de santé, malgré l’engagement important des cantons – surtout romands – et des communautés qui fournissent les dossiers, particulièrement Cara et «Mon dossier santé» dans le canton de Neuchâtel. D’ailleurs, je souhaite préciser que ce n’est pas la responsabilité des cantons ou des communautés si le Dossier électronique du patient n’a pas vraiment connu le succès escompté. Ces difficultés sont dues à un cadre légal inadapté, adopté en 2015 par le Parlement fédéral.
L’ouverture d’un dossier peut sembler laborieuse, rares sont les fournisseurs de soins qui les utilisent activement et le nombre de dossiers est resté bien en-deçà des attentes, avec 1,4% de la population qui en possède un. Je précise que chaque personne qui ouvre un dossier électronique aujourd’hui et le remplit disposera dès maintenant de davantage d’informations. Dans 5 ans, lors du basculement dans le nouveau DES, ses données seront transférées et elle pourra davantage bénéficier des nouvelles fonctionnalités.
En proposant de modifier la loi, le Conseil fédéral vise à créer les bases qui permettent un nouveau départ du dossier électronique. Quelles conditions doivent être réunies? Premièrement, il faut avoir un dossier. Deuxièmement, il faut que le dossier soit utilisé par les professionnels de santé. Troisième condition, il faut que les données soient lisibles et compréhensibles par tous les professionnels. Avec cette perspective, avoir un dossier deviendra plus simple, puisque la nouvelle loi prévoit une ouverture automatique et gratuite pour toutes les personnes qui habitent le pays, sauf si elles préfèrent y renoncer. C’est le principe dit de l’«opt out». Pour ce qui est de l’utilisation par les professionnels de santé, il est prévu d’obliger tous ceux dont les prestations sont remboursées par l’assurance maladie de se connecter au système du dossier électronique de santé et de l’utiliser. Enfin le nouveau système sera utilisable dans tout le pays, avec une plateforme technique unique, gérée par la Confédération. On aura ainsi un système technique beaucoup plus simple qu’aujourd’hui, avec des communautés qui travaillent avec différents systèmes. Et le dossier lui-même contiendra beaucoup plus de données structurées, lisibles facilement, par exemple sur les vaccinations ou les allergies.
La protection des données, une priorité inconditionnelle
Autre condition, évidemment, le système doit être sûr. Les données de santé, très sensibles, doivent être bien protégées. Cet aspect revêt une priorité inconditionnelle. Le système d’information DES sera soumis aux exigences strictes de la loi sur la sécurité de l’information. Et chaque titulaire d’un dossier de santé restera propriétaire et maître de ses données. Il pourra décider qui a le droit d’accéder à l’ensemble ou à une partie de ses données. Il aura également en tout temps la possibilité d’effacer des données ou même de fermer son dossier.
Ces nouvelles conditions, prévues dans la loi que le Conseil fédéral soumet au Parlement, favoriseront pour le dossier électronique de santé la possibilité d’apporter une contribution significative pour «remettre la santé au cœur du système de santé». C’est mon ambition et ma responsabilité, et je souhaite que les débats politiques soient enrichis par le soutien de tous les acteurs et actrices du domaine de la santé.